2 temps, 3 mouvements
-“humans call it music”
-“not this, human !”
[quote from Transformers, G1]

(image : Amande In)

mode 1 - dissolution

Fermer les yeux, respirer calmement mais à fond… Et puis non : foncer dans le tas.
Plonger dans un grand verre de substances dénaturées, la tête la première de préférence.
L’absence n’en sera que plus jouissive. Déterminer l’essence favorite, celle qui étourdit un bon bout de temps. L’essentiel est de perdre pied, peu à peu. Sens dessus dessous. Là.

Ouvrir les yeux ; le dancefloor grouille d’une foule d’inconnus. S’efforcer de s’abreuver, encore, du mélange idéal. Alors, bienvenue dans les ambiances suaves mais détrempées, lourdes et vaporeuses, poisseuses et éphémères. Bouillonnements dans les veines. Effervescence.

Rester sur le fil, le rythme secoue notre corps par saccades, on a déjà depuis longtemps trouvé le point de rupture, et on s’agite, juste en deçà de la limite, on regarde en bas, surtout se pencher, oui, le précipice est là, juste en bas, et oui, on regarde en bas, c’est très important, il faut se remplir les yeux du vide, là, juste en bas…

Le D.J. se déchaîne, et puis en fait non, service minimum ce soir, basses de base, beats piteux, le reste à l’avenant. On s’en fout, puisque de toute façon,
tout se délaye dans la plupart des alcools connus.

mode 2 - destruction

Pas beaucoup de monde dans la salle. S’en fout. Tout est sombre pour encore quelques secondes. Je joue avec le câble du micro. Nerfs au plus calme. Un rapide coup d’œil aux autres. Et ils en veulent. Tant mieux, moi aussi.
Je ferme les yeux par réflexe. Premier riff. Trois, quatre...

C’est parti. Ca sort tout seul. Même pas besoin de forcer. Les paroles viennent naturellement, comme depuis longtemps inscrites sur ma gorge.
Instinct.
Retrouver la bête qu’on s’est patiemment efforcé de gommer, à travers les siècles. Quelle blague : elle affleure toujours, la preuve ! Le mal ne demande qu’à se répandre, qu’à s’épancher, le plus violemment si possible. Et comment, que c’est possible ! Bref retour aux racines, à la meute, à ce qui nous dévore…

Brutalité du choc. Lutte sourde contre une matière invisible. Ravager la scène, l’arpenter de long en large, de gauche à droite, filer deux trois coups aux autres, à droite à gauche, retourner l’espace, le chaos est sonore. Viscéralement. Ca soulève. Projection des corps, des hurlements, au bon vouloir du rythme. Le sang nous monte à la tête, la fosse se bouge bien, je vois que Cyril évite comme moi de respirer, on vomit le refrain ensemble, on se disloque patiemment. Travail de longue haleine.

La dernière, dégoûté. Et on reste là, minables pantins désossés, déboussolés, bientôt lâchés par celui qui, éreinté, se grouille de retourner ramper à l’intérieur. Là-dedans.
Sale bête.

mode 3 - consomption

C’est vraiment n’importe quoi. Je hais ça.
Concert classique, on s’installe, on n’est même pas aux aguets, on est tout nu, à la merci de quoi que ce soit. Et évidemment, ça ne rate pas. En réalité, ça rate rarement.

Premier mouvement, et ça y est, tout déboule tout d’un coup dans la tête, les souvenirs, les pires, évidemment les pires, la lame de fond s’avance avec tout ça, ravage un bon coup le vide que l’on avait préparé, et laisse flotter à la surface tout un tas de trucs qu’on préfèrerait savoir enfouis. Définitivement.

Et on aimerait être loin, très loin de la salle, avec tous ces gens qui écoutent ça avec un grand sourire extatique. Oh oui. On aimerait s’agripper aux murs, se laisser glisser et laisser crisser les ongles, et se taper la tête encore et encore. On aimerait éclater en sanglots, parce qu’il paraît que ça fait du bien, et puis merde.

Mais on se retient, on reste là, à demi bouleversé, mais faut faire bonne figure, alors on a les yeux qui brillent tout d’un coup - mais non, voyons ce sont mes lentilles qui me tirent un peu en fin de journée.
Et on continue à revoir le film qui n’en finit pas, qui surnage à la surface, qui n’en finit pas, bon sang, et puis la musique se superpose à tout ça, et on la connaît par cœur… Je hais ça.

Et puis, on se rend compte qu’on adore cette œuvre. O combien

by Vincent Granier )

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