(hiver)
Faire des pompes la nuit dans un appartement vide.

(image : Amande In)

J’ai emménagé seul. C’étaient deux pièces blanches, la moquette était grise, il n’y avait pas de chauffage. Le déménagement a été rapide: six cartons. Les plus lourds contenaient mes livres. Le premier soir je suis sorti acheter une lampe. Le halo faible de cette lampe, ce soir-là, me préservait de voir les murs nus de mon nouveau logis. Il me restait assez d’argent pour des conserves: mais une fois ouvertes, le chagrin m’a coupé l’appétit. je me suis endormi étonné, sans comprendre pourquoi.

Il faisait nuit et je n’avais pas l’heure. Des cafards s’affairaient autour des boites de conserve. Je me suis demandé ce qui était le plus triste, de tout ce que j’avais pu vivre jusqu’alors. J’ai ouvert la fenêtre, je voyais à peine le ciel, les nuages étaient bas, la nuit bouchait tout. J’ai eu l’impression étrange qu’il faisait plus chaud dehors que dans l’appartement. J’avais des cigarettes mais pas de feu. Le gaz ne serait installé que demain. Je me suis mis sur le ventre et j’ai fait des pompes. J’en ai fait une dizaine, j’ai retiré mon manteau, je l’ai plié sur les cartons, j’en ai refait une dizaine, j’ai retiré mon pull, je l’ai jeté dans un coin et j’ai continué jusqu’à ce que j’ai mal au ventre, mais ça ne m’a pas réchauffé.

by David Ortsman )

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