Bubble gum.
La bulle éclate sur le visage de la gamine.

(image : Amande In)

Elle a mâché le petit bout de pâte sucré longtemps, il n’a plus aucun goût. Elle continue à mastiquer vulgairement. Mouvement régulier de sa bouche pulpeuse et humide. Elle fume sa dernière clope à l’angle de la terrasse d’un café. Ils passent autour, elle mate derrière ses lunettes noires, repousse l‘instant du départ, le soleil la réchauffe, elle continu a lire son bouquin, entre les lignes parcourues elle s’évade.
George est passé hier, juste pour la voir encore un peu, caresser ses longs cheveux noirs, palper la douceur du corps chaud, il est parti ensuite, discrètement, elle s’était endormie.

Quand elle s’est réveillée elle a couru sur le marché acheter des fleurs oranges et jaunes pour sa petite chambre de bonne au cinquième, pour mettre un peu de couleur entre les murs étroits de son univers.
Elle a une ampoule qui saigne au pied gauche, sa paire de tongues neuves la fait déjà souffrir, elle regrette celle de l’année passée, arrachées lors d’une ballade catastrophe à vélo, quand elle naviguait encore entre la solitude et les bras de Paul.
Paul le grand garçon à la peau pale, au yeux très grands, très bleus, ce garçon qui n’avait pas su l’aimer, jamais lui rendre tout ça. Tout est parti à la poubelle, le stick pour les lèvres, les photos aussi, toutes, découpées, une à une.

Elle se retrouve là, un an plus tard, dans la chaleur de l’été, elle ne fait plus de vélo, elle s’est fait trop mal, elle préfère marcher doucement, seule.
Il ne l’a jamais vraiment aimé, elle ne le rencontrera plus maintenant, il y a quelque chose de cassé, et tout ça aussi, qui reste, qui fait mal, un peu trop mal.

Elle mâche la pâte sucrée, au début avec délice, elle a profité du sucre, il reste le goût amer dans sa bouche, elle ne comprend plus vraiment ce qu’elle lis, le fil de l’histoire, elle a perdu, le fil de l’histoire.
Tout ça, ça ne lui appartient plus maintenant, elle s’en fout de toutes ces histoires, elle en voudrait juste une, pour rêver encore.
Sur la terrasse, les rayons du soleil sont masqués par quelques nuages. Elle a un peu froid, avec le vent, elle a la chair de poule.
Encore une heure et George la rejoindra pour caresser sa peau, encore ce soir, il fallait au moins ça, pour continuer à vivre dans sa petit piaule, il fallait au moins ça plutôt que d’aller travailler comme serveuse au bar d’à côté.

Ce matin, elle lave le corps fragile, elle laisse échapper le gant, il tombe au fond de la baignoire, elle caresse sa peau avec ses mains, c’est un corps étranger qu’elle caresse, il appartient à ces hommes, rencontrés, aimants, doux, distants, ces inconnus croisés. Ils ne lui appartiennent plus, elle caresse sa peau seule à la lumière.
De l’eau fraîche sur le visage, une jolie robe à pois, bleu et crème, elle ne quitte pas ses tongues neuves, malgré la douleur, elle tient à la sensation de ses pas libres, son corps nu, qui frôle la rue.

by Amande In )

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